De la nuit dernière, je ne me rappelais pas grand-chose. Je savais que je devais retrouver une amie dans un bar de la ville, mais qu’elle m’avait envoyé un sms me disant qu’elle aurait surement du retard. Ce qui avait le don de m’énerver. Je n’avais jamais compris pourquoi certaines personnes n’arrivaient pas à l’heure, alors qu’ils savaient très bien qu’ils devaient être à un endroit précis à un moment donné. Ils étaient incapables de s’organiser, ou incapable de ne pas décrocher le téléphone quand il sonnait alors qu’ils étaient déjà sur le pas de la porte. Je n’avais pas ses raisons, elle ne me les avait pas données, mais déjà, la soirée commençait mal. Pour patienter un peu, j’avais commandé un verre, un cocktail léger que je savais que je supportais. Parce que l’alcool et moi, on était pas copain. Il en faisait pleurer certains, d’autres se mettaient à raconter leur vie, et moi, j’appartenais à la catégorie des gens qui ne contrôlaient plus vraiment leurs actes. Une table plus loin, il y avait une bande de garçons, il étaient quatre ou cinq, je ne me rappelle plus. L’un d’entre eux m’a demandé ce que je faisais seule, je lui expliquais rapidement, il m’a ensuite invité à les rejoindre. Ils n’avaient pas l’air bien méchants, et puis, ils me tiendraient compagnie en attendant que mon amie se décide à arriver. Ils m’ont semblé sympathique. Puis l’un d’autre eux m’a offert un verre, on aurait dit le même cocktail que je venais de finir. Je n’ai pas refusé. Je me rappelle encore avoir un fou rire à propos d’un parasol de cocktail rose, et après, plus rien. Le gros trou noir.

J’avais les yeux fermés, les paupières lourdes, et la tête un peu engourdie, à moitié endormie et à moitié réveillée. Bob l’éponge dansait devant moi et chantait une chanson de marin, Patrick l’étoile de mer bavait et rigolait. Pourquoi il y avait Bob dans mon rêve ? Je voulu me tourner de l’autre côté pour qu’il parte, mais je sentis une résistance. Comment dans mon lit tout plat pouvait-il en avoir une ? Je restais sur le dos. Un petit garçon blond chantait avec Bob. Qu’est-ce qu’il faisait là ? Il n’avait que des fruits de mer à Bikini Bottom… J’essayais d’ouvrir les yeux, mais je les refermais aussitôt, la lumière était trop vive.
« Salut... Pas trop mal à la tête ? »
« Bob l’éponge danse un tango dans ma tête mais ça pourrait être pire... »
Attends. Quelqu’un venait de me parler, quelqu’un était chez moi, dans mon appartement. Un homme ! Un des garçons de hier soir ? J’aurais fait monter quelqu’un chez moi ? Non, ce n’était pas vraiment mon genre … à moins que … j’avais bu combien de verres pour avoir un mal de crâne comme ça ? Je réessayais à nouveau d’ouvrir les yeux, les protégeant de mes mains et regarda autour de moi. Il y avait un petit garçon blond avec un biberon à la main, et il était allongé sur un homme, tout aussi blond. Deux paires d’yeux étaient fixés sur moi. Je m’assis d’un coup.
« Attends ! Je suis où là ? »
Pour me rallonger trois secondes plus tard, incapable de rester assise avec mon mal de crâne.

« T'inquiètes pas, t'avais un peu trop bu hier soir, du coup je t'ai ramené chez moi pour être sûr que tu sois en sécurité... »
Allongée sur le dos, une de mes mains sur les yeux, toujours pour les protéger du soleil, j’écartais les doigts pour scruter le plafond. Uniformément blanc. Je venais de me rendre compte que je n’avais aucune idée de qui était la personne qui m’avait ramenée chez elle, parce que j’avais beau me creuser la tête, je ne me rappelais pas de l’avoir vu hier soir.
« La soirée de hier est un peu floue … il m’en manque des morceaux. »
C’était un euphémisme en réalité, mes derniers souvenirs devant dater de 21h30, 22h grand maximum. Dire que je m’étais promis de ne plus boire autant si je n’étais pas juste entre amies. Si le petit garçon qui était assis sur lui était son fils, c’était bon signe. Il devait être quelqu’un de bien, avec de bonnes intentions, qui m’a vraiment ramené chez lui pour m’éviter de problèmes, que le groupe de garçons qui m’avaient abordé me fassent faire des choses que je regrette, ou pire, abusent de moi. Mais qu’est-ce qui me disait qu’il ne faisait pas partie de groupe ? Lentement, pour ne pas trop bouger et faire remuer ma tête qui était toujours aussi douloureuse, je soulevais la couverture dont j’étais couverte. On m’avait retiré mon pantalon et mes escarpins. Mais que je portais encore mes sous-vêtements était un bon signe non ? J’abaissais à nouveau la couverture et lançait un nouveau regard vers l’inconnu. Il avait un grand sourire sur les lèvres. Je devais être ridicule en ce moment, à agir au ralenti comme ça.
« Mon pantalon, c’est toi qui me l’a enlevé ou je m’en suis débarrassée toute seule ? »
Je commençais à savoir de quoi j’étais capable quand je buvais un verre de trop, et un strip tease de plus chancelants et pas séducteur du tout, même des plus ridicules, était tout à fait dans mes cordes. Je fis une nouvelle tentative pour m’asseoir, en prenant d’avantage mon temps. Mes temps battaient moins, je réussi à conserver la position, nouvelle victoire. Je réussi même à ouvrir un œil. Le petit garçon était descendu des genoux de son père et s’était approché de moi, son biberon toujours en bouche. Il m’observait sans bouger, ce qui ne mettait pas tellement à l’aise.
« Désolée de poser la question, mais toi et moi … enfin … j’ai juste dormi là … il s’est rien passé d’autre hein ? »
Sur la table basse, j’avisais un tube d’aspirine et un verre d’eau. Posés juste devant moi, comme ici pour moi. Je me penchais en avant, le regard du petit garçon toujours fixé sur moi, mis un comprimé en bouche et but une longue gorgée d’eau pour le faire descendre. Puis une autre parce que j’avais la gorge sèche.
« Merci. »
Pour l’aspirine et le canapé. Et le sauvetage.